Une recherche menée en collaboration avec Michel Péraldi.

Il est aujourd’hui communément admis que les quartiers d’habitat social ont pour singularité d’avoir été bâtis sur la base d’une utopie sociale, une intention politique de changer la vie de ceux qui viendraient y habiter. Cette utopie repose sur l’hypothèse que la cohabitation entre les classes moyennes et les classes populaires est une aventure pédagogique.

On pensait qu’à travers la confrontation de ces milieux dans les cités, les valeurs, les comportements, les modèles culturels dont étaient porteuses les classes moyennes allaient servir d’exemple et de modèle pour des classes populaires qu’il fallait éduquer, au sens promotionnel du terme. S’appuyant sur le dispositif associatif, bien des militants sociaux ont ainsi fait carrière dans le travail social et l’animation socioculturelle, perpétuant, dans un rapport devenu plus professionnel à partir du milieu des années 70, le face à face avec les classes populaires.

Or, ce processus de promotion sociale prend depuis une vingtaine d’années une forme paradoxale : les jeunes militants dans les cités, souvent issus de l’immigration et arrivés dans le milieu associatif à la faveur des mouvements Beurs et des dispositifs publics visant à faire d’eux de nouvelles élites, n’ont plus accès qu’à des places et des statuts socioprofessionnels précaires.

Face à l’impossible ascension sociale par les voies canoniques, certains de ces jeunes militants créent leur propre structure à vocation sociale, culturelle ou de services, et y tentent leur réussite comme la promotion de leurs pairs. Ils se définissent comme des entrepreneurs ; ce sont ces logiques qui mêlent entrepreneuriat et militantisme social que nous avons explorées à Marseille.